Le numérique transforme-t-il vraiment la recherche de talents aujourd’hui ?

La France se numérise elle-même. Le mot « transformation » est dans la bouche de tous les leaders, quelle que soit leur industrie. En conséquence, de plus en plus d’entreprises recherchent une expertise technique et experte dans le domaine de la technologie numérique. Des emplois de plus en plus difficiles à combler en raison du manque de ressources. Au-delà d’un problème quantitatif, il y a la question de la durabilité des cours de formation. L’émergence permanente des nouvelles technologies s’accompagne d’un renouvellement constant des métiers. Face à ces bouleversements, notre système éducatif a du mal à suivre. Par conséquent, les partenariats avec le secteur privé sont en hausse, parfois au risque d’enfermer les étudiants dans les doctrines technologiques. L’État doit donc s’occuper de cette question sans attendre !

Des formations dépassées avant même d’être digérées

Le numérique impose désormais ses règles sur le marché du travail. Les entreprises cherchent désespérément à recruter des professionnels capables de piloter et protéger l’information, de gérer la donnée, de s’adapter aux outils innovants. Mais l’offre ne suit pas. Chaque mois, de nouveaux concepts s’invitent dans la danse, blockchain, cloud, machine learning, intelligence artificielle… Derrière ces mots-clés, des métiers surgissent, inconnus hier, incontournables aujourd’hui : Datalake Officer, Cloud Engineer, Traffic Manager et bien d’autres. Impossible de dresser une liste figée, tant l’évolution est rapide.

Dans certains cas, de simples intitulés changent, mais la réalité est plus profonde : les missions, les compétences requises, la vision du poste s’en trouvent bouleversées. Les entreprises tentent bien de faire monter en compétence leurs salariés ou d’identifier, en interne, des profils capables de migrer vers ces fonctions. Trop souvent, le socle technique manque. Résultat : la vague numérique emporte avec elle des savoir-faire à peine acquis, déjà jugés dépassés.

L’État au courant, mais en retard

Il y a deux ans, une initiative publique ambitieuse voyait le jour, sous l’impulsion d’entrepreneurs technologiques français, pour créer un « conteneur numérique » dans l’esprit de la loi Pacte. Le projet n’a finalement pas été retenu, mais l’alerte a été entendue. Preuve en est avec la récente réforme du lycée, qui introduit un enseignement d’ingénierie, de sciences numériques et d’informatique. Un pas dans la bonne direction, mais on reste loin du compte.

Les entreprises du secteur tech ne peuvent plus se contenter de regarder la formation de loin. Elles sont directement concernées et doivent s’impliquer. Laisser la seule Éducation nationale affronter ce défi serait irresponsable.

Les entreprises sur le devant de la scène

Face à la pénurie de talents, les entreprises multiplient les partenariats avec les grandes écoles et universités, organisant des interventions concrètes, des conférences, voire des modules dédiés aux technologies émergentes. L’objectif ? Insuffler à la formation académique une dose de terrain, d’expérience directe, pour préparer les étudiants aux défis de demain.

Ce choix n’est pas anodin : il suppose de mobiliser des experts, de financer des programmes, d’engager ses équipes au plus près des étudiants. L’initiative plaît, mais elle n’est pas sans danger. Car si la démarche participe à la préparation de la relève française, elle reste trop souvent teintée d’intérêts propres. Beaucoup d’entreprises interviennent avant tout pour se rendre attractives, séduire les futurs diplômés, et au passage, inculquer leurs propres méthodes, outils, voire philosophies technologiques. La tentation est grande de transformer la salle de classe en vitrine, et l’étudiant en utilisateur captif.

Vers un cercle vertueux État-école-entreprise

La puissance publique a tout intérêt à accompagner ces coopérations, mais à la condition qu’elles servent réellement la montée en compétence collective, et non la promotion d’une technologie unique. L’innovation ne peut pas attendre que l’administration ait terminé sa course d’obstacles. Il faut savoir répondre vite, avec agilité, en s’appuyant sur les acteurs prêts à s’engager dans la formation des talents.

Pour structurer cette dynamique, la création d’un triangle vertueux réunissant État, écoles et entreprises s’impose. Les établissements de formation sont déjà en mouvement, mais sous la pression, ils risquent de céder à des offres peu scrupuleuses. Un système d’incitation fiscale inspiré du crédit d’impôt recherche, par exemple, pourrait encourager les entreprises à investir dans la création de programmes pédagogiques conçus en lien avec l’État, tout en garantissant leur indépendance et leur diversité. Ce levier pèsera lourd dans la capacité de la France à rivaliser demain sur la scène internationale.

Le numérique ne laisse personne à l’abri de ses secousses. Ignorer la question, c’est risquer de voir s’éloigner le train de l’innovation. La balle circule, et chaque acteur doit jouer son rôle, sans jamais oublier que former, ce n’est pas enfermer.

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